Défense européenne : « Il n’est plus possible de dépendre des États-Unis »

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L’Europe peut-elle encore se passer d’une défense européenne ? Alors que la France paraissait isolée ces dernières années dans sa volonté d’avancer vers davantage d’intégration européenne en matière de défense, le contexte a considérablement évolué.

Après le début de l’invasion russe à grande échelle de l’Ukraine en 2022, le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et le revirement des États-Unis sur le dossier ukrainien ont une nouvelle fois rebattu les cartes. L’Allemagne et le Danemark notamment, jusqu’ici atlantistes et ne jurant que par l’Otan pour leur défense, ont pris conscience de leurs vulnérabilités et plaident désormais pour une défense européenne.

Cette nouvelle urgence en matière de défense se traduit aussi par des hausses des dépenses militaires. Le Royaume-Uni a annoncé une augmentation, inédite « depuis la fin de la Guerre froide » selon le Premier ministre Keir Starmer, du budget de la défense à 2,5 % du PIB, contre 2,3 % actuellement. Les pays baltes et nordiques ont affiché leur intention d’augmenter leur aide militaire à l’Ukraine, tandis que le Danemark a annoncé une hausse de ses dépenses de défense de 50 milliards de couronnes (6,8 milliards d’euros) au cours des deux prochaines années, portant ainsi son effort de défense à 3 % du PIB. En France, Emmanuel Macron a évoqué, lors d’une réunion avec les partis politiques le 20 février, l’idée de passer de 2,1 % à 5 % du PIB le montant des dépenses militaires du pays, selon France Inter.

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C’est dans ce contexte que doivent se réunir, dimanche 2 mars à Londres, une quinzaine de dirigeants européens lors d’un sommet pour « faire avancer » les actions concernant l’Ukraine et la sécurité du continent, selon Downing Street.

Pour Elsa Bernard, professeure de droit public à l’université de Lille, spécialiste du droit européen et des questions de défense européenne, interrogée par France 24, les Européens sont en train de comprendre « qu’il n’est plus possible de dépendre des États-Unis » en matière de sécurité.

France 24 : La question de la sécurité européenne n’a sans doute jamais été aussi prégnante. Les Européens sont-ils en train de réaliser qu’ils ne peuvent plus se passer d’une défense commune ?

Elsa Bernard : La défense a été annoncée comme une priorité de la Commission européenne dès son entrée en fonction en décembre 2024. Il s’agit d’une préoccupation majeure depuis la fin des années 2010, et plus encore depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie il y a trois ans. Beaucoup craignaient à ce titre un second mandat de Donald Trump, mais la brutalité et le degré de son désengagement vis-à-vis de l’Ukraine et de l’Europe sont tout de même une surprise pour certains. Aujourd’hui, le message selon lequel l’Europe ne peut plus dépendre des États-Unis pour sa sécurité est reçu par les Européens. On le voit en Allemagne, un pays qui comptait jusque-là beaucoup sur les États-Unis pour sa sécurité : alors que le futur chancelier, Friedrich Merz, était connu pour être atlantiste, il plaide désormais ouvertement pour une défense européenne autonome. Cette nouvelle donne est en train de donner un coup d’accélérateur à l’Europe de la défense car il apparaît tout simplement impossible de faire autrement. L’UE doit être en mesure d’assurer sa propre défense et doit donc tendre vers son autonomie stratégique.

Mais de quoi parle-t-on concrètement lorsqu’on évoque une défense européenne ?

Les traités européens ne prévoient pas la création d’une armée européenne mais indiquent que la politique de défense commune de l’Union conduira à une défense commune « dès lors que le Conseil européen statuant à l’unanimité en aura décidé ainsi ». Une telle décision, qui pourrait mener à la mise en place d’une armée européenne, relève donc exclusivement des chefs d’État et de gouvernement, mais ces derniers ne se sont encore jamais avancés sur ce terrain. En revanche, les traités européens prévoient l’aide et l’assistance de tous les États membres « par tous les moyens en leur pouvoir » si l’un d’entre eux était l’objet d’une agression armée sur son territoire.

Plus concrètement et de façon moins théorique, des mécanismes permettent aux États membres de développer en commun des projets capacitaires et opérationnels. De même, la Facilité européenne pour la paix a été créée pour financer non seulement une partie des opérations de gestion de crise, mais également la fourniture d’équipements et d’armements aux pays tiers. C’est ce qui a été fait pour l’Ukraine notamment. En parallèle, la Commission et le Parlement jouent aussi un rôle dans la défense européenne par le biais des politiques industrielles, de recherche ou encore des transports. Encore faut-il trouver comment les financer, d’autant que les dépenses à engager pour une défense européenne autonome sont sans commune mesure avec les moyens mobilisés il y a trois ans après l’invasion russe de l’Ukraine. Ursula von der Leyen a ainsi avancé le chiffre de 500 milliards d’euros pour les besoins de financement de la défense européenne.

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